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24 juin 2011 5 24 /06 /juin /2011 09:52
Un jaillissement de vie : l’écriture d’un quartier
 
 
Les fondations
 
Marianne et moi nous connaissons depuis de nombreuses années, avec beaucoup de cheminements parallèles, le chant, un chœur, la composition, un enfant porté au même moment, un certain regard sur le monde et la place de l’art dans la cité... Au fil d’une discussion était apparue un beau jour l’envie de fabriquer ensemble un opéra pour enfants, une histoire écrite pour eux, qu’ils interpréteraient eux-mêmes. Quelques années et beaucoup d’aventures plus tard, j’étais au premier rang pour applaudir “Planteurs de perles”, dont j’avais écrit le livret, à regarder avec grand plaisir Marianne diriger sa musique, aux commandes d’un magnifique groupe de 80 jeunes...
Les aventures nous plaisent, nous décidons donc de repartir à l’abordage... Un nouveau projet, “Pas de quartier”, en gardant ce qui nous a tant touché, la forme exigeante d’un opéra pour et par les enfants, mais en y ajoutant une implication supplémentaire des jeunes : ils participeront aussi à l’écriture du livret, par le biais d’ateliers d’écriture... Et se mélangeront des jeunes de tous âges, toutes origines et toutes conditions sociales... Un peu d’organisation, beaucoup de bonne volonté, et nous lançons le navire...
 
Les bâtisseurs
 
Dans l’aventure s’embarquent quelques solides co-équipiers, qui vont suivre le cours des ateliers : Isabelle et sa classe de CE2 de la Busserine, 24 minots qui ne s’en laissent pas compter, et qui constituent le gros de l’équipage. Et puis Karima, responsable du Centre Social, qui nous accompagne de son humour, de sa connaissance du terrain, de sa bienveillance, de son intelligence... Et qui nous dirige vers Farouk et les enfants du Centre de loisirs dont il est le directeur, une douzaine, que nous retrouvons sur le temps des vacances scolaires, et vers Mohamed au Centre de quartier, lequel suit avec grande attention un groupe d’adolescents en recherche de soutien scolaire, ou simplement d’accompagnement dans leur volonté de progresser. S’ajoute enfin Tania, chanteuse et professeure de chant, qui fait chanter une dizaine d’enfants et d’adolescents au sein d’un atelier le mercredi après-midi, nouvelles forces vives qui rejoignent l’équipage.
 
Les plans
 
Quelques contraintes de départ... “Pas de quartier” prend sa source dans une anecdote... Tout sauf anecdotique !... À la question de savoir où ils se voient dans dix ans, aucun des enfants du quartier  de la Busserine ne s’imagine ailleurs que là où il vit. Le quartier, comme matrice d’aujourd’hui et de demain... C’est donc de lui que nous parlerons, pour ouvrir les portes d’un futur, d’un ailleurs, d’autres possibles... Nous allons partir à la découverte, l’opéra s’inscrira dans l’espace et prendra la forme d’une chasse au trésor, ou plutôt d’une chasse aux merveilles... Car qui sait celles que recèlent tous ces jeunes auquel nous allons proposer nos compétences, pour leur faire vivre un bout de route avec nous, que nous espérons formateur autant que plaisant ?...
 
La construction
 
Je pose quelques pistes d’écriture, les jeunes et les enfants s’en emparent et répondent au-delà de mes attentes... De leurs prénoms, ils font jaillir des personnages fantastiques, ils nous livrent leur “chez moi”, et puis celui dont ils rêvent, ils nous décrivent leur quartier de cauchemar, celui où la diversité culturelle n’existe pas, ils jouent aux jeux des possibles, ils inventent des plats qu’ils adoreraient manger et ceux dont ils ne voudraient pour rien au monde, ils imaginent un monde sans technologie, ou encore un monde où les parents et tous les grands auraient disparu, ils nous concoctent des bêtises, ils nous décrivent des monstres et des îles au trésor...
Le dossier où je range leurs productions ne cesse de s’alourdir, de textes, de dessins aussi, tant de pierres à notre chantier qu’il faudrait bien plus qu’un opéra pour toutes les utiliser !...
 
La découverte
 
Les merveilles sont là et bien là, elles me nourrissent depuis que j’ai entrepris ce travail d’écriture avec eux : une énergie inépuisable, une liberté de ton, des trésors d’imagination, de l’intelligence et un humour aguerri, pour aussi résister aux nuages bien présents d’un quotidien où la violence affleure sans cesse. Et puis, un optimisme et une maturité que je n’imaginais pas chez des jeunes filles de dix-sept ans, et une soif de vivre, d’apprendre, d’expérimenter, qui me réjouit et m’enthousiasme...
Mes idées rebondissent en écho de ces rencontres, l’histoire peu à peu s’agence, je pose les premiers mots définitifs... Ne me reste plus alors qu’à être à la hauteur de ce qui m’a été offert, pour transmettre à Marianne ce livret qu’elle habillera de toutes ses couleurs musicales, dans une histoire de vie que nous sommes heureuses et fières d’inscrire à la nôtre...
 
Eléonore Bovon
Juin 2011
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